Je suis en vacances. La RT chargée à block, en célibataire, je rejoins ma femme qui attend depuis une semaine mon arrivée sur Ste Maxime. Départ de Paris voyage par nationales (bien que ça p...) et surtout le max de départementales et circuits touristiques "là où c'est vert sur la carte". (route assez longue car étalée sur 5 jours). Sur la -ma- route qui rejoint St Claude à Briançon, au détour d'un chemin, je décide de prendre une petite route goudronnée, sur la gauche, qui, sur le plan, m'avait l'air sympa, et qui devait me faire gagner un long détour en passant à travers bois. Et de fait pour être sympa le chemin était très , voir plus, magnifique, avec de temps en temps de beaux paysages comme on en voit qu'à la montagne, là où le motard fait vraiment UN avec la nature. D'ailleurs ce sentiment de ne faire qu'un grandit au fur et à mesure que la chemin, bordée d'arbres, rétrécit. A un moment le goudron fait place à un chemin de terre caillouteux, et là, on se demande ce que la nature nous réserve, d'autant que les cailloux se font plus en plus rare. Dans ces moments là, avec une moto qui fait pas loin de ses 450 Kg, dans un chemin de tracteur tellement large qu'il est impossible de faire demi-tour, et le chemin qui d'un coup descend avec une pente avoisinant les 20%, et bien on se rassure en ce disant que ça va se jeter sur une route goudronnée plus bas, et on se prend à espérer de ne pas crever. Mais quand au bout du chemin, celui ci se trouve fermé par une barrière en bois maintenue close par des boulons que t'as même pas les clefs qui vont avec tellement que c'est gros (plus de trente au moins) , alors là tu les envoies balader la nature et le retour au source, car pousser en marche arrière la RT, tout seul, sur une pente, même déchargée, là c'est une galère que seul Hercule aurait pu s'en sortir. Dans ces cas là, tu te demandes pourquoi, nom de d..'Zeus, tu n'as pas acheté la Goldwing avec sa marche arrière (ou la K1200 mais là suis trop court sur patte )...
Car ce qu'il faut bien comprendre c'est que la barrière est en travers d'un chemin en pente, large d'à peu près 1m20 et bordé du côté droit par une bordure remontant d'au moins 1 mètre et à gauche par des arbres, il n'y a pas de plate forme où tu peux faire ton demi-tour tranquille.
Bien entendu, après avoir déchargé, à fond, la bécane, et des tentatives infructueuses pour manœuvrer de façon à faire demi-tour, je me retrouve vidé, fatigué, exténué, moral à zéro, envie de tout lâcher, rentrer à pied, etc etc etc.
Reste.... l'assistance, "mais oui, comment c'est-y que j'y ai pas pensé plus tôt?, quel c... j'vous jure, ha la vache, c po croyable ça", me fustige je. Bon faut bien que je me repère sur la carte pour dire où précisément je suis... et là ben... j'en sais rien moi où je suis, je suis infoutu de le trouver ce chemin sur la carte. Bon, pas de panique, à l'assistance y zont des moyens, le tel, vite là, le tel nom de nom...
Des fois, quand ça veut pas, ben ça veut pas -"Pas de réseau... non mais... blague? Non...." - on se sent seul des fois..." Hé!!!! Monsieur Mac Gaveur, tu peux pas me donner un coup de pousse là!!!"
Assis sur la bordure, la tête nichée dans les mains, je regarde la moto. Elle est face à la barrière, en retrait d'un mètre, en prise, reposée sur la béquille latérale elle même posée sur une plaque en ferraille, et je cogite, broie du noir, et trouve une solution. Du moins une idée. J'avais un peu l'impression d'être dans Mad Max -tu sais, le type que Max a attaché à une bagnole à laquelle il a mis le feu, et en partant il lui laisse une scie, au gars, il se coupe le bras, ou le pied je ne sais plus, sinon il saute avec la voiture. - Bon l'idée est de faire du trial avec la RT: pas du tout ma spécialité- du cross quand je commençais à ètre jeune, mais pas de trial. Et cette idée me déplait au plus haut point, car question légèreté la beumeu c'est grosso-modo, avec l'essence, pas loin des 380 - 390 kilos, en plus ma moto je l'adore, et l'idée de l'esquinter, ne serait-ce rayer qu'un petit peu.... alors la situation est très délicate, mais diable, j'vais pas rester là non plus. Aussi bien il peut venir quelqu'un de suite, aussi bien.... De plus, si la moto tombe, jamais je ne pourrai la relever seul, donc, le cœur lourd, je cogite dure. Je regarde encore les affaires (valises, topcase, tente...) posées à côté de la barrière, je rejette un œil, comme quelqu'un qui a péché, vers la moto, et prends la décision.
Pour minimiser les risques il fallait déjà que je recule la moto le plus sur la gauche et d'au moins 1,50 mètre: chose faite au bout d'un chgrogntud'juuuu de temps mais seulement 1m qui m'a de nouveau (vache qu'elle est lourde) totalement vidé. Je prends un peu de repos. Bon, c'est le moment, faut y aller. Une grande respiration, un doute vite chassé et contact, le moteur ronronne, je brake tout à droite, et laisse aller la moto jusqu'à ce que la roue avant touche la bordure. La moto s'arrête, première, j'emballe un peu, lâche l'embrayage, la moto sursaute mais cale. Okay, okay on s'calme, le cœur bat à tout rompre. Je descend, recule la moto, remonte, redémarre, -il faut que la roue avant soit déjà en l'air avant de toucher la bordure. J'aime la régularité du twin, comme un chat confiant qui ronronne. Première, j'emballe sec, lâche, c'est bon, la roue est à mis hauteur de la bordure au moment de toucher. "hééééé MMMM.....!!!!!", vache pas freiné à l'arrière, la roue arrière créait un véritable sillon dans la terre du chemin, tandis que l'avant continue de grimper. Le petit coup de rein qu'il faut pour la faire basculer sur la droite, chose qu'elle effectue sans problème. Sans problème aucun, sauf que dans la bascule, j'étais déjà bien trop près de la bordure, et la bascule s'est terminée par un tonneau, moto et motard unis pour une farandole. Bon j'ai rien, du moins physiquement, et si la moto est maintenant dans le bon sens, les roues, elles, sont en l'air, posées sur la bordure. Le cœur lourd je regarde le pare-brise cassé, les rétros... Là c'est la cata. "Mais bon sang qu'est-ce que je croyais, -hein?". Etonnant, vraiment étonnant, la moto est presque sur son réservoir, mais l'essence ne coule pas. Le désespoir est à son comble, et je décide de regagner la route à pied, en laissant tout ici, qu'est que je peux y faire, maintenant. Regagner la route à pied est exactement ce que j'aurais du faire avant de tenter ce saut à la c... et puis sur la route j'aurais peut-être du réseau tient d'ailleurs. "t'ain si j'avais pas dérapé, j'sus sûr qu'j'serai passé". Les pensées noir m'ont suivi jusqu'au croisement que j'avais pris, plus tôt, en fin de matinée. A peu près 2 heures de marche, la vache il y a un panneau, bien abrité derrière les feuilles, qui signale ce chemin en impasse. Et un panneau en bois dessous marqué "Propriété privée défense d'entrer"... "T'AIN MAIS C....": je m'assoie sur le bord de la route, regarde le tel, toujours pas de réseau, vais faire du stop, pi après on verra.
Bon sang je suis un mec, mais là je suis au bord des larmes, j'en peux plus quoi, au moins une plombe et rien, rien ne passe, que dalle, à croire que... ha ouai si, enfin, une mob. Et alors la mob je dis pas, chargée au moins comme la RT. Et au guidon, un petit vieux monsieur. Je me laisse retomber, qu'est-ce tu veux qu'il fasse, peut même pas me prendre en stop. Je dois être une curiosité dans le coin, parce que le pépé il traverse la route pour faire demi tour et retraverse pour venir jeter sa meule juste à côté de moi. Bah je me relève, et apprend que le monsieur se prénomme Ludovic. Pour moi c'est Papyludo. D'une gentillesse à mourir, j'apprends aussi qu'il fait de la mob depuis qu'il est en age de le faire et qu'il a à son actif plus de 4 tours de France, et qu'avec sa femme, qui l'a quitté y a peu, Dieu ait son âme, ils ont fait le tour de l'Europe. Mon Papyludo, qui me fait parler, mine de rien, comme ça, me donne de quoi bouffer, de quoi boire, vide son barda sur le bord de la chaussée derrière les arbres et me prend derrière lui pour jusqu'à la moto. Des Papyludo, il doit pas y en avoir des milles, ça n'existe plus ce genre de personne, mais au moins, grâce à lui, je respecte tous les deux roues, quels qu'ils soient. Le Papyludo il me remonte le moral, me sort des blagues à tour de bras, oscille du côté gauche à droite sur sa meule aussi âgée que lui, et me rassure et tout et plus encore. Arrivée au lieu du drame, la victime n'avait pas bougé. Docteur Papyludo tourne tout autour de la moto, fait son diagnostique, et me dit "c'est pas grave, on va la sortir de là, tu vas voir elle va repartir". Le Docteur il me fait démonter le sabot, met sur le flan de la moto, à hauteur du réservoir, mon sac de couchage enroulé autour d'un petit billot de bois qu'il a trouvé à proximité: "pour faire bascule" me dit-il. Aux sorties d'échappement il accroche une petite corde qu'il relie à sa mob. "Toi tu montes sur le talus et tu pousses, moi je tire avec ma mob, dès qu'elle bascule tu laisses faire" me lance-t-il. Et je te prie de croire que j'exécute. Et là... ben voilà, y a des gens qui m'épatent, mais le Papyludo... ça c'est Quelqu'un. La moto est retombée sur ces roues, le docteur a retiré la corde, et est venu m'aider à pousser pour la redresser droite, grâce au billot de bois qui faisait pivot, la moto s'est relevée presque toute seule. Yessssssssss, t'ain!!!! je lui ai sauté au coup à mon Papyludo, trop fort ce petit gars, trop top, à ouai, j'en avais les larmes aux yeux dis-donc!
Au bilan, les rétros n'avaient rien, de la terre partout, le réservoir rayé à cause d'un cailloux, le pare-brise un peu rayé, juste les pattes de fixation qui ont cédé, démontage de ce dernier. Au bout d'un certain temps, après rechargement de la moto, PapyLudo me dit "vas-y, je pense que tu peux démarrer, là". Contact, les bruits habituels, j'appuie sur le bouton, et "quart de tour", et toujours sa régularité, on dirait qu'elle ne m'en veut pas du traitement que je lui ai fait subir. Hé bien, je respire.
Je raccompagne Papyludo jusqu'au bord de la route, l'aide à recharger sa mobylette. Papyludo aurait bien aimé être motard, mais il n'a jamais réussi son code. Six heures après avoir emprunté ce chemin, je le quitte pour ne plus jamais y retourner. Six heures après avoir emprunté ce chemin, c'est la première fois que je quitte avec regret un papy motard sur une mob. Car là j'ai bien appris que motard c'est pas rouler sur un gros cube, motard c'est être sur 2 roues, rouler qu'en deux roues, motard c'est porter aide et assistance à ceux qui en ont besoin. Motard c'est être bitumeur et peut importe les chevaux sous le carénage. Motard c'est un état d'esprit, c'est aimer faire la route en 2 roues. T'étais un Motard Papyludo, un Vrai, avec un grand M, mes pensées restent avec toi, toujours. Et t'inquiètes je fais signe aussi aux mobs.
Les 12 commentaires de cette publication.
yannik750 : sans humour, je dirais que j'ai tout lu, et que la vache. C'est un beau roman, c'est une belle histoire !! Très beau post 😉 ✌ |
j'ai tt lu également et c'est poignant: moi également,je fais signe aux mobs,ça m'arrive car,je le fus et qu'ils seront pt être de futurs motards en gros cubes. Une bien belle morale,comme quoi,l'esprit motard peut se manifester,quelle que soit la monture(de la mob au 1300 haya),et du pilote,du gamin au papyludo,si touchant. En tt cas,c'est une bien belle hitoire qui finit bien,avec peu de casse et le souvenir d'1 papy en or.
Merci pr ce joli post !
Ton histoire est poignante de véritée, vrai qu'un motard ne se reconnait pas par sa machine mais par ce qu'il a dans l'crâne. En tout cas, ça prouve bien qu'être vieux n'est pas un choix et que l'expérience s'acquière avec le temps.
On apprends beaucoup avec des personnes comme ça.
Moi l'autre fois c'est une vieille femme qu'est venue me voire à la pompe, j'étais avec mon fils. Elle avait piloté tout un tas de brèles de son temps, ça devait être une grande pilote, elle savait de quoi elle parlait. Dommage que j'étais de passage, elle m'en aurait appris des choses j'en suis certaine.
Ton papyludo devait être quelqu'un de bien, la fin de ton récit fout les boulles, sérieux... ça fout les boulles...
Ce qui me fait plaisir c'est qu'on voit que la notion du vrai motard, n'est pas que celui qui a un gros cube, qui se trimballe avec toute l'année qui vente, qu'il pleuve ou qu'il neige, qui n'a pas que du cuir sur la peau, et qui ne fait pas 10 000 km par mois. La notion du motard est celui qui a envie de faire de la moto (ou de la mob) qu'elle qu'il soit et qui sait penser aux autres et pas que à soi.
Ca, ça me fait plaisir. Belle morale ton histoire.