Pour ceux qui ont aimé la première histoire, voici la suite. Oui, on me l'a déjà dit, c'est long à lire. C'est fait exprès, pour que le plaisir dure plus longtemps !...
Sortie d'Octobre
Un éclair : il s'était décidé sur un coup de tête, comme ça. Une idée qui germe pendant deux secondes et puis qui vous tambourine dans la calebasse comme une série de pétards entre les pattes le 14 juillet.
« Et si on y allait ? » demanda le père.
« Mais où donc ? » lui répondit le fiston qui n'entendait guère, les oreillettes de son lynx MP3 rivées sur le crane ;
« Faire un tour de quad, pardi ! » s'exclama le paternel.
Le visage de Jean-Bat se rida. Il tentait de comprendre, sans vraiment croire ce qu'il venait d'entendre. Les yeux plissé, la bouche pincée, il dit :
« J'ai bien entendu ? »
En guise de réponse, son père lui fit un signe d'acquiescement de la tête assortit d'un sourire.
« Ouais ! super ! » renchérit le gamin, retirant soudainement son casque hi-fi des oreilles toutes rouges.
« Allez, mets-toi en tenue et c'est parti ! »
Encore tiède de la veille où il avait du montrer tout ce qu'il avait dans le ventre, le bestiau bleu attendait patiemment dans le garage. Mais, à priori, une nouvelle sortie forestière n'était pas pour lui déplaire…
Le fiston vérifia le plein de nitro, le graissage de la chaîne et sa tension. Hier soir, il avait badigeonné du WD40 partout, histoire de préserver le matos de la flotte. Tout était paré. La torpille pouvait être engagée. Le compte-à-rebours venait de s'enclencher. Jean-bat avait le palpitant à 220, juste le bon chiffre pour se mettre sous tension.
Le ckeck-up terminé, ils enfourchèrent le quad en destination de leur nouvelle planète : Terre et Bourbiers.
Légère pression sur le bouton jaune et le moteur s'ébroue dans un ronronnement douillet. Les premiers hectomètres à travers le village les firent passer pour des ovnis : des mamies, les yeux ronds, se retournèrent sur leur passage, craignant par cette manœuvre soudaine le lumbago au milieu des rangs d'oignons, les mains terreuses crispées sur la bêche ; deux jeunes enfants lachèrent précipitamment leur trottinette puis rentrèrent à la maison en quatrième vitesse pour montrer de l'index tendu les deux furieux sur leur machine : « maman, c'est ça que je veux pour Noël ! »
Au bas de la descente de la Vierge, ils arrivèrent près du mur du presbytère où la rue vire sèchement sur la gauche. Les pneus craquèrent sur le bitume, comme pour se plaindre de ce traitement infernal. Ils contournèrent l'église romane, puis longèrent la gare pour enfin emprunter, juste après le passage à niveau qui n'était justement plus de niveau, la dernière petite rue du pays qui servait de piste d'envol pour le fabuleux monde du Tout-Terrain.
Une interminable allée de graviers blancs s'offrait à eux : trois kilomètres d'un seul trait bien droit, bordé de hautes épis de maïs secs. Le chemin était parsemé d'une bonne centaine de flaques qu'ils se firent un plaisir… d'éviter. Le père balançait le quad de droite à gauche en une succession de zig-zags rageurs. Il provoquait ainsi un gîte permanent à babord puis à tribord qui amusait son fils, solidement arrimé à la barre métallique derrière la selle mais secoué de droite à gauche tel un métronome. Le confort de la selle, justement, était irréprochable :tous deux encaissaient le relief sans tassement des vertèbres et ça, arrivé à un certain âge, c'est primordial !
Bientôt, ils eurent en ligne de mire le vieux pont SNCF jaune. Encore un peu de bitume sur cet ultime chemin vicinal d'un kilomètre et ce sera le vif du sujet. L'échauffement prendra alors fin pour laisser place au sport. Le long de cette route étroite, jean-bat regardait la dernière trace de civilisation : une moissonneuse gourmande engloutissait des tonnes de maïs, dans l'espoir de les vomir tout à l'heure dans la bedaine des bennes des tracteurs crasseux, sagement stationnés en lisière de champ.
L'entrée dans la forêt par ce chemin rapide se fit sans perdre d'élan. Le sol dur était recouvert d'une fine couche de feuilles décomposées, source de méfiance … Jeff ne décéléra pas à l'amorce de la descente ; il la connaissait par coeur : elle lui offrait l'occasion de tester le quad à grande vitesse – il choisit son cap au milieu du chemin, plaçant les roues juste à la limite du décrochement dans l'une ou l'autre des traces de pneus de tracteurs qui vérouillaient l'itinéraire. Il fallait sans cesse repositionner l'engin dans l'axe car les roues arrières avaient toujours la bonne idée de se vautrer dans ces ornières. Il en résultait un léger travers qui ne permettait jamais au quad de rester dans le même cap, surtout avec le poids à l'arrière : enfin le poids, comprenez le passager !
La lègère montée qui s'en suivit s'avéra copieusement explosée par les allers et venues des tracteurs quand ils sortent le bois de la zone d'affouage. Un humus épais, très noir, composé de feuilles de chêne et de hêtre, recouvrait le passage. C'est le genre d'amalgame qui vous pompe toute la puissance du moteur, un peu comme le sable au Touquet ! il faut anticiper, donner de la patate dès que l'on pressent la perte de vitesse afin de ne pas subir une trajectoire approximative qui vous balade sur toute la largeur de l'allée. A ce petit jeu là, l'Adly faisait merveille…
Ils débouchèrent alors sur une ancienne voie ferrée, celle qui reliait au XIXème siècle les grandes villes rurales de la région. On appelait ça le "tacot". Depuis quelques décennies, les rails ont laissé place à un chemin empierré très plat : dommage qu'il aboutisse contre les glissières de l'autoroute A39 !
Vingt mètres avant de s'exploser le museau contre ce grillage autoroutier, hop, petit coup de guidon vif à gauche, le quad en équerre. Résultat : le fiston les pattes en l'air, presque éjecté par une arrivée de watts quelque peu sournoise : c'est vrai j'aurais du le prévenir, mais je pensais sincèrement qu'il se doutait de la manœuvre le moussaillon ! Et là, devant nous, le « must de ce qui se fait de mieux » : LE sentier. Non, pas un sentier mais LE sentier. Entièrement tracé dans une sapinière centenaire, doté d'un sol spongieux recouvert d'un épais tapis d'aiguilles d'épicéas, il vous distille des parfums enivrants, tantôt senteurs de résine, tantôt de champignons. Cette splendeur majestueuse des conifères géants aux cîmes embrumées, ce tracé magnifique où l'œil aperçoit tout au loin le prochain relief en montée, tout concours ici à nous transporter au paradis du quadeur. Plus encore, de chaque côté de la piste s'égrainent en stéréo les chants des mésanges et des martinets alors que nous étreint une fraîcheur bienfaisante, comme un inestimable présent accordé aux sâges qui pénètrent avec dévotion ces lieux envoûtants. Nous y progressons sereinement, en petite vitesse sur un filet de gaz pour ne pas perturber la sérénité du moment.
Après moult cabrioles et autres glissades, l'heure est venue de laisser oeuvrer l'élève : Jean-Bat récupère l'Adly au début d'un long chemin vert. Pourquoi « vert » ? C'est bien naturel du vert en forêt ! Certes ! Mais cette voie-là est parsemée d'une grande et haute pelouse composée d'herbes vertes foncées qui, pour celui qui en connaît l'existence, trahissent la présence de sol humide, voir très humide tout au long de l'année. Comme qui dirait des petits marécages.
J'avertis Jean Bat de cette particularité et lui recommande de franchir ces passages probablement délicats avec un petit élan, tout en plaçant le poids de son corps sur l'arrière du quad pour gagner en adhérence. Il connaît déjà l'engin mais jusqu'à présent il ne l'a pas beaucoup essayé en forêt, tout du moins pas dans ces conditions.
Il démarre avec facilité, je le suis du regard, à pied sur ses traces. Les pneus arrière laissent leurs empreintes crantées dans la terre grasse. Il progresse bien le petit, utilisant le couple du moteur pour avaler les trois premières zones boueuses. Il positionne l'Adly sur la bonne trajectoire, contrôle la glisse de ses roues arrières dans les creux, réagit à temps pour ne pas perdre trop de puissance et coupe suffisamment tôt celle-ci en ressortant des petits bourbiers. Rien à redire. Lui-meme se retourne dans ma direction, le regard interrogateur, attendant de ma part un commentaire : je lève le pouce, il me comprend. Aussitôt, il repart alors que je suis encore à une cinquantaine de mètres derrière lui. Il avance prudemment, en seconde. Mais soudain, je vois de la vapeur tout autour de lui. Il s'arrête. Damned : il est bel et bien planté ! Il a voulu passer un nouvel obstacle, fort de la réussite qu'il a connue précédemment. Cette fois-ci, le trou d'eau s'est avéré nettement plus sournois, cachant dans ses profondeurs des sangsues ignobles, placées là pour happer les visiteurs. Couillon ! on est faits !…
Je force l'allure pour le rejoindre alors qu'il est déjà descendu du quad. Il le regarde, déçu de sa prestation, débitant des excuses et des insanités à l'encontre de ce MNL bourbier. Je le calme en blaguant : "tu vois, j'avais raison de te faire enfiler des bottes !"
"ca ne me fait pas rire. Comment on sort de là ?"
"Balise-pas, c'est une expérience sympa à deux ! Et je suis sûr que tu t'en souviendra suffisamment longtemps pour la raconter à tes petits-enfants…"
"non, allez, dis-moi, qu'est-ce qu'on fait ?"
"commence par dégager la boue autour des roues…"
Il s'exécute alors que je m'enfonce vers lui, contre le quad, dans 30 cm d'un liquide que je sens visqueux sous mes bottes. Je suis sûr qu'il existe là au fond des bestioles dotées de milliers de ventouses qui vous pompent les semelles, c'est pas possible autrement !
Les roues qui ont changé de couleur sont maintenant un peu dégagées. On aperçoit le cadre du quad qui repose sur la boue lisse. Et pourtant, à dix mètres de là, le chemin presque sec nous attend… Je décide de quitter le bourbier en marche arrière. Jean-bat pousse depuis l'avant alors que j'enclenche la marche arrière et donne du gaz en douceur. Les roues arrières patinent… Pas question de s'enfoncer davantage. On s'active à nouveau à la main pour dégager le passage. Je sens qu'on pourrait ouvrir un atelier de poterie ici tellement cette terre est agréable à travailler.
"Allez, encore un effort, cette fois-ci c'est la bonne ! Pousse à mon signal ! »
"Ok, je suis prêt !"
"Go, go, go…"
Lentement, l'Adly s'extirpe de la gadoue… les roues arrière se soulèvent et patinent, mais elles bougent dans le bon sens. On croirait une scène tournée au ralenti. Le quad recule centimètre par centimètre. Et voilà que je me laisse rouler dessus le pied par la roue avant : je manque de m'étaler dans la zone de thalasso glauque… Une minute plus tard, nous coupons le moteur, le quad est sortit d'affaire. Ouf !...
Jean-bat se lave les mains dans une flaque et reprend l'engin en ayant soin… de contourner le bourbier traitre. Je le rejoins et c'est lui qui me ramène à la route. Encore quelques encablures et nous atterrissons à la maison, crottés et heureux. A notre vue ma fille commente notre retour :
"Vous n'avez pas pu éviter toute cette boue ?"
"Non, on s'y est mis par plaisir" lui rétorque son frère…
"Et maintenant, lessive pour tous, y compris l'Adly !"
Dis, papa, on y retourne demain ?
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Jeff
Les 4 commentaires de cette publication.
bon j'ai essayé, et comme je suis moins doué que toi c'est mon fils qui fait le récit (il a le dos large !)
3 semaines qu'Antoine (8ans 1/2) n'avait pas profité de son Quad* !
*Adly « fox » 50 homol
1 parce que les notes étaient nulles de chez nul ! 1 parce que les parents n'avait rien trouvé de mieux que de faire une petite sœur dont c'était l'anniversaire avec la famille et la troisième qui tirait à sa fin en attendant le WE ou il partirait rouler avec Papa (moi !)
Promesse était faite : samedi matin on roule ! et pi voilà : le poseur de moquette pour la chambre de la p'tite peste venait samedi matin …. « écoute une promesse est une promesse : Dimanche matin » Réveillé à la fraîche alors Papa on y va !!!! et voilà que Maman s'en mêle ! On pourrais peut être finir de remettre en état la chambre de la petite (6 ans) , vous roulerez cette après-midi ! ….
Nous y voilà ! les tenues sont enfilées, Papa fait le malin et mets ses grosses godasses au lieu des bottes (genre chuis avec Antoine, on va pas allez se planter ….), les Quads chauffent tranquille devant la grange …
Premier S bitumé avalé tranquillement, puis la route laisse place aux graviers et feuilles mortes dans la montée vers le plateau et arrivés en haut les grandes allées de calcaires avec plein de flaques partout !
Pour une fois Papa a pris sa carte du coin (c'est bien pour pas se perdre, mais a chaque intersection il s'arrête pour regarder pffffffffff !) bref il se décide à nous faire quitter les grandes allées, à droite toute ! un super chemin terre, herbe, boue qui serpente entre les champs, à gauche toute (idem) direction la forêt ! Là bienvenu au royaume de la glisse sur les feuilles mortes, plein de petits S, moi j'ai du mal à vous décrire mais lui devant il s'éclate, d'ailleurs souvent j'entend plus souvent le bruit du 300 Adly que je ne le vois ! (heureusement il m'attend).
Arrivé de l'autre côté du plateau -- re -carte ! comme Dora l'exploratrice – le feuilleton débile que ma sœur regarde le matin ! – et là il décide que nous allons suivre le magnifique chemin qui nous attend sur la droite au programme : piste calcaire, puis terre en lisière de foret , feuille morte à l'entrée ! Là il Stoppe ! devant nous une grande descente recouverte de feuille, prudemment il roule doucement devant moi (il rigole lui avec son freinage intégral au pied, mais moi faut je tire de toutes mes forces sur les 2 leviers au guidon ; et puis sa descend bien !) arrivé en bas, juste avant les champs hop on pique a flanc de coteau, en sous bois.
Un vrai bonheur, sauf que là moi ça passe pas ! trop gras ! alors il descend de son engin, et vient me pousser (comme je suis kool je reste pas dessus !), 500 m plus loin re-bellotte (sauf que là en plus y a super raidillon) et on remets ça (il est fort mon Papa 😉 ). Sinon un vrai bonheur, les sous bois sont magnifiques en cette saison, l'endroit est désert, rien que Papa et moi ! elle est pas belle la vie ? 2 km plus loin, en haut d'une petit côte, je le vois qui m'attend, à pied ? une fois en haut je comprends : 10m plus loin de grosses ornières (genre tracteur débardage) puis une grande mare de boue (5-6m, sur la largeur du chemin) et l'Adly au milieu de tout ça, juste avant la mare ! et Moi alors je fais comment Hein ?
Bref vu qu'a une petite « berge » entre les ornières – mare et le « vide » il décide de faire passer mon quad (le chemin pour remonter n'est qu'à quelque centaine de mètres ) !
Et bien là il fait moins le malin sans ces bottes ! les pieds dans 20 cm de glaise liquide ! en plus il faut chaud ! je l'entends il peste après lui-même, sur qu'il fait pas le malin, à se dire que …. Arrivé au milieu il se rend compte que même si le petit passe, lui est ce qu'il va passer ? et si il est planté au milieu, c'est pas avec le 50 qu'on va tirer le gros ! en plus il a même pas son tel avec lui ….. pas de tête j'vous jure !……. donc demi tour et de nouveau a patauger dans la boue (lui, pas moi) pour me ramener mon quad, le tout en évitant qu'il tombe dans les ornières ou qu'il bascule dans la pente de l'autre coté … pi une fois arrivé, faut aussi ressortir l'Adly (heureusement y a une marche AR).
Bref nous voilà reparti dans l'autre sens, seulement la grande descente de tout à l'heure et bien il faut la remonter ! j'y suis arrivé ! pas vite (il me criait depuis juste derrière moi : Accélère !) mais j'étais à fond !
Retour sur le plateau ! Bon Papa on va à mon aire de jeu avant de rentrer ?
Mon aire de jeu c'est un p'tit coin secret à nous, au milieu des bois, avec un tit ruisseau, une belle flaque de boue pas trop profonde et là je fais des aller-retour dedans à Donf GAAAAZZZZZZ ! Faut pas rentrer propre ! sinon la ballade est pas bonne ! en plus y'a une zone légèrement trialisante, ou Papa peut aussi s'amuser, etc …
Et puis nous sommes rentrés, nettoyage des machines, des bonhommes et des fringues (là Maman elle rallait …….)
En conclusion : Papa faut tu me changes mon quad , suis limité par la machine maintenant !
Antoine.
Papa si tu te sers encore de moi pour tenté d'ecrire quelque chose ....
Un bien beau récit ma foi ! Je soupçonne le fiston de s'être fait aider par le papa dans ce coup-là, vu le style et l'abscence de fautes. Ou alors le petit est aussi doué en français qu'en Quad !...
Quant à moi, j'ai tourné 30 km cet après-midi, mais j'ai failli pas rentrer entier.... Déjà qu'il y avait eu 2 morts à la chasse début octobre.
Là, comme un idiot, j'ai bien vu deux 4x4 garés au bord du bois, mais je me suis dit qu'il s'agissait sûrement de bûcherons. Que neni ! Ils m'ont tiré dessus au bout de 500 m dans leur zone. Enfin, peut-être qu'ils ne tiraient pas sur moi, mais 3 détonations ont retenti à 100 m et j'ai compris, (si, si, on comprend vite dans ces moments-là...) qu'il valait mieux que je randonne ailleurs.
Ce que j'ai fait. Les très fortes pluies de cette nuit et de ce matin ont rendu le terrain très agréable. On roule pas vite mais c'est vraiment du Bonheur. Je commence à prendre de l'assurance dans les grosses flaques et autres petits bourbiers de 5 à 10 m. Souvent, je m'arrange pour placer uniquement les roues d'un côté dans le trou. Comme ça , s'il faut en sortir, j'aurais au moins les deux autres roues au sec. Mais bien souvent, il faut passer tout le Quad dans la glaise et prier avant que l'obstacle ne fasse pas 1 m de profondeur....
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L'Adly affiche désormais 245 km.
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Bonne randos à vous tous lecteurs.